La dépendance au pétrole
Nous sommes presque totalement dépendants du pétrole. Dans une ville comme Beauvais, presque tout ce qui forme notre mode de vie (notre organisation économique, sociale et politique, notre confort matériel…) a été rendu possible car depuis un siècle, l’énergie est disponible pour un prix dérisoire et en quantité quasi infinie. Le pétrole a accru de façon vertigineuse la productivité du travail, en mettant à notre disposition des “esclaves énergétiques”, c’est-à-dire des machines, des véhicules, etc., qui travaillent à notre place. En moyenne, un Français dispose 24 heures sur 24 de 100 à 200 “esclaves énergétiques” pour se nourrir, se déplacer, s’équiper, se chauffer, s’habiller, etc.
Le pétrole abondant et bon marché nous a permis de développer toutes sortes d’activités économiques et sociales qui ne pourraient pas fonctionner sans lui. En France par exemple…
– Le pétrole représente 85% de l’énergie utilisée par le secteur agricole, 92% de l’énergie utilisée pour transporter des personnes, et 99% de l’énergie utilisée pour transporter des marchandises !
– Dans les supermarchés, il y a des stocks de produits frais pour 3 jours en moyenne.
– Dans une pharmacie, une grande partie des médicaments ne sont pas en stock.
Nous sommes…
> Chacun peut imaginer ce qui se passera si notre approvisionnement en pétrole devenait rare et cher.
Le problème est que ce n’est pas une probabilité : c’est une certitude, et pour très bientôt…
Le pic pétrolier
Le stock de pétrole qui est sur la planète est fini, en tous cas il se reconstitue à une vitesse extrêmement lente. Plus nous l’exploitons, plus il s’appauvrit à grande vitesse. Nous allons donc connaître un jour où l’autre, inévitablement, une stagnation puis une baisse de l’extraction de pétrole. C’est ce qu’on appelle le “pic pétrolier” (peak oil en anglais). Cette expression ne désigne pas le moment où il n’y a plus de pétrole (il en restera toujours, même en quantité très faible) : elle désigne le moment où on n’arrive plus à augmenter la quantité produite, malgré tous les investissements pour créer de nouveaux puits pour exploiter de nouvelles formes d’hydrocarbures.
Il y a des débats passionnés pour savoir quand aura lieu ce pic pétrolier. Parmi les grands gisements connus, une grande partie sont d’ores et déjà en période de “déplétion” (par exemple le gisement de la Mer du Nord dans les eaux territoriales anglaises). Des dizaines de pays ont d’ores et déjà passé leur pic pétrolier national, et tous le connaîtront très bientôt, ce qui donnera un pic pétrolier mondial que l’on peut représenter ainsi :
Sur cette courbe on voit bien que le pic du pétrole conventionnel (le pétrole brut liquide qui sort des champs pétroliers d’Arabie saoudite ou du Texas) a déjà été dépassé en 2007 environ. Depuis la production de ce type de pétrole-là ne cesse de diminuer. Cela a été compensé par la montée en puissance d’autres formes de pétrole, plus difficiles et plus chères à extraire (cf. plus bas le concept d'”énergie nette”), et qui elles aussi déclineront bientôt.
Les “nouveaux gisements” ne suffiront pas.
Certes, des progrès techniques permettent aujourd’hui d’exploiter le pétrole dans des conditions bien plus difficiles qu’il y a 40 ans : on peut donc exploiter les sables bitumineux, les gisements en off-shore profond, le pétrole de schiste et le gaz de schiste, etc.
Cela dit, les nouveaux gisements que l’on découvre et que l’on met en exploitation sont de plus en plus rares. Entre le moment où un champ de pétrole et le moment où il entre en exploitation, il se déroule entre 20 et 40 ans selon les difficultés techniques pour l’exploiter. Or le pic des découvertes a été dépassé il y a plus de 20 ans !
Ce graphique montre qu’aujourd’hui, nous consommons chaque année 3 ou 4 fois plus de pétrole que nous n’en découvrons, et ce ratio se dégrade d’année en année.
Et ce n’est pas le tout de découvrir un gisement : il faut encore aller chercher le pétrole qu’on a découvert ! Or les nouveaux gisements que l’on découvre sont de moins en moins prolifiques, et de plus en plus difficiles et coûteux à exploiter (notamment en eau…). Si on calcule l’énergie nette du pétrole que l’on exploite, c’est-à-dire l’énergie tirée du sol moins l’énergie dépensée pour extraire cette énergie, pour la traiter et pour l’acheminer là où on en a besoin, alors on constate que le pétrole extrait du sol produit de moins en moins d’énergie nette. Il y a un siècle, 1 baril de pétrole suffisait pour aller en chercher 100 ; aujourd’hui, il faut 1 baril pour en produire une quinzaine. Avec le pétrole lourd des sables bitumineux ou le pétrole de schiste, le ratio est encore pire (1 pour 5, voire bien moins)
>> Nous avons beau trouver exploiter de nouveaux gisements de pétrole, ils sont tout à fait incapables de remplacer les énormes gisements faciles à exploiter que nous nous avons déjà pompés depuis longtemps. En tous cas, le peu de pétrole qu’on trouvera dans ces nouveaux gisements ne pourra pas être remonté à la surface parce que ce sera trop difficile sur le plan technique, et ça coûtera trop cher.
Il n’y aura bientôt plus assez de pétrole pour tout le monde
Le problème est que la stagnation, puis la baisse de la production de pétrole, va aller de pair avec une hausse très rapide de la population mondiale et surtout de la consommation de pétrole par habitant (surtout dans les pays émergents).
Or les deux tendances sont absolument incompatibles. Très bientôt, il n’y aura pas assez de pétrole pour tout le monde – ou alors il faudrait, comme l’a dit récemment le PDG de Shell au cours d’un colloque, ajouter à la planète l’équivalent de… 4 Arabie Saoudite !
Pour résumer…
Notre société est totalement dépendante au pétrole : tel que nous vivons aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous en passer.
Pourtant, nous allons très bientôt être obligés de nous en passer.
Là où nous avons aujourd’hui 100 ou 200 “esclaves énergétiques” en moyenne, nous n’en n’aurons demain que 75, puis 50, etc.
Nous allons donc devoir changer radicalement notre mode de vie, que cela nous plaise ou non :
– Il faudra convertir énormément de machines en travail humain, ce qui voudra dire un véritable effondrement de la productivité du travail (et donc de la production économique et du niveau de vie).
– Il faudra “démécaniser”, et donc embaucher beaucoup de travailleurs manuels pour fabriquer, réparer transporter sans pétrole. En particulier, l’agriculture aura besoin de beaucoup plus de bras qu’aujourd’hui (eh oui, il faudra bien remplacer les gigantesques tracteurs, même ceux produits à Beauvais…)
– Il faudra abandonner la voiture et se déplacer en vélo ou à pied.
– Il faudra s’approvisionner le plus localement possible, notamment pour la nourriture.
– Il faudra (ré)apprendre des compétences qui sont aujourd’hui inconnues de la plupart d’entre nous : bricoler, jardiner, réparer, recycler…
La Transition n’est donc pas un luxe ou une lubie : c’est une obligation pour tout de suite !
Pour ceux qui veulent se documenter davantage sur le pic pétrolier et ses conséquences, voici un blog très bien construit avec des articles très clairs: Avenir sans pétrole. Il est tenu par l’un des membres d’une ville en transition dans le centre de la France.
L’un des meilleurs ouvrages sur le pic pétrolier est celui de Richard Heinberg (Pétrole, la fête est finie), dont voici un bon résumé.
Le film d’animation “Sans lendemain”, dont un extrait a été diffusée lors de la soirée de lancement de Beauvais en transition le 6 février 2014, présente de façon très pédagogique ce qu’est le pic pétrolier et quelles seront, très bientôt, ses conséquences. Il ne dure que 35 minutes, et nous vous conseillons vraiment de le visionner!